Stépane vs Wild /par Christophe

25 septembre 2014, Bolivie, Salaar de Uyuni

Soudain le cri. Putain de cactus ! Cinq aiguilles plantées dans le genou. Elles lacèrent la chair, ça saigne, ça fait bigrement mal. Vite, les retirer : une à une. Ça pisse le sang, mais il faut serrer les dents. Stépane sort les épines profondément entrées. Mais là, sous le genoux, une épine s’est cassée, impossible de l’extraire, elle reste à l’intérieur, à peine visible sous la peau, mais bien accrochée ; au moindre mouvement du genou, la douleur torpille toute la jambe. Le long combat contre l’épine va commencer.

Scène1 :

Dans le froid, au sommet, à peine à l’abri d’un rocher, en attendant les secours. Stépane tente de s’entailler la peau avec la lame du couteau multi-fonction Gerber pour sortir l’épine. Mais pas facile à déchirer une peau. Çà résiste une peau. On sent la texture crisser sous la lame, il faut forcer avec la pointe et le tranchant, en gérant la douleur. Après une bonne demi-heure de travail, la lame a découpé la chair, on tente de faire passer l’épine à travers, mais l’épine est trop profonde. Échec.

Scène 2 :

Au gîte, après le retour à dos d’hommes, grâce au secours d’un voyageur français et des guides locaux. Dans le gîte, une des voyageuse, hollandaise, est docteur ; Sauvé ! On allonge le blessé, ipod dans les oreilles en guise d’anesthésie, mouchoir dans la bouche pour étouffer les cris. Le docteur opère, mais il faut découper assez profond et le matériel n’est pas adapté. Elle essaye plusieurs couteaux que nous avons sous la main: opinel, laguiole, gerber. Stépane pousse des râles de douleur. L’entaille est élargie mais il faudrait un scalpel pour inciser plus précisément et profondément. Au bout d’une heure de travail elle abandonne faute d’outil adéquate.

Scène 3 :

Le lendemain, de très bonne heure, après deux heures de route à travers le désert de sel, nous parvenons à la clinique d’Uyuni. A notre arrivée, la clinique, dans un quartier famélique du bout de la ville où errent les chiens, est complètement vide. Elle a l’air d’un garage. Désaffectée ? On sonne. Quelqu’un ouvre, bonnet de laine sur la tête, anorak, mal rasé. Le gardien de nuit ? Non mieux, le chirurgien ! On traverse des couloirs vides et glacés (il n’y a pas de chauffage et le désert de sel c’est froid la nuit), et au fond d’une pièce fermée par un rideau, Stépane est allongé. Pas de question du chirurgien. Pas la peine. Il s’arme d’une énorme seringue qu’il enfonce illico presto cinq ou six fois dans le genou. Une anesthésie locale sans doute. Mais il n’y a pas d’anesthésie contre l’anesthésie. Stépane hurle. Après vient une séance d’une vingtaine de minutes de cris, de sang, ça coupe, ça triture, scalpel, ciseau, l’épine résiste, le chirurgien s’acharne, on tourne de l’œil, mais enfin, ouf, le gardien de nuit expose triomphant l’épine, 1 bon centimètre, au bout du ciseau. On recoud le tout, trois points de suture. Et c’est fini.

Prologue :

Dix jour plus tard les points de suture seront retirés à Antofagasta, au Chili. Rendons donc hommage au chirurgien d’Uyuni, qui a très bien fait son travail, même si nos yeux aseptisés d’européens ont tremblé.