Le temple des bambous /par Nathalie

Chine, Yunnan, Kunming, le 2 mai 2015

Cela commence en toute bonhomie puisque le visiteur est invité à viser avec des pièces la gueule grande ouverte d’un dragon plongé dans un vase d’eau. Ici, le gros lot est bien plus important qu’à la fête foraine: beaucoup de bonheur!. Les perdants s’amusent aussi à contempler les petites pièces danser dans l’eau et narguer le museau du monstre.

En hauteur sur une colline, entourée de nature, à l’abri du béton de la ville moderne de Kunming, le temple s’est trouvé un lieu serein pour s’installer. La légende dit qu’il y a un peu plus de 1000 ans, au cours d’une chasse, deux frères de lignée royale virent leur proie, un magnifique rhinocéros, se transformer en un groupe de bonzes. Les bonzes, à leur vue, disparurent dans les nuages ne laissant que fumées et leurs bâtons de marche en bambou plantés dans le sol. Les deux frères comprirent qu’ils avaient atteint l’éveil. En un jour, les bâtons se transformèrent en une grande forêt de bambous. Et, les frères construisirent le temple de Quiongzhu en mémoire de ces miracles.

Aujourd’hui, le temple est calme, mélange de végétation, pagodes, décontraction. On y vient manger, prier, ajouter son batonnet d’encens dans des chaudrons d’où se dégagent de grandes fumées. On y vient aussi, comme nous, se promener.

Pourtant, lors de la visite des pavillons, une vive discussion s’engage avec les enfants sur les sculptures d’ »arhats », être éveillés qui couvrent les murs. “Ce ne sont que des caricatures”, “ On a l’impression qu’on est en Enfer”, “Ah! Non pas question de s’identifier à l’un d’eux (comme le veut la coutume)”. Les 500 sculptures d’un mètre environ placées côte à côte, tout en mouvement, d’un côté bien rangées, ailleurs surfant énergiquement sur des vagues géantes, ne peuvent pas laisser indifférents. Est-ce de l’hyper-réalisme qui nous fait apprécier la différence de chacun comme une ode à l’unicité, du surréalisme qui les pousse à la limite de l’expression de leur moi intérieur ou de la caricature qui déforme, grossit et allonge chaque bout de leur peau dans la démesure incontrôlée de l’artiste? Loin des Bouddhas du Laos et de la Thaïlande qui nous emplissaient d’une agréable sérénité mystique, c’est un vrai plébiscite à la différence des êtres, à la réalité terrestre du bouddhisme qui peut permettre à toute personne, quelle qu’elle soit, d’atteindre l’éveil. On passerait des heures à regarder ces statues dans leur moindre détail d’expression, de comportement, d’étrangeté: souriantes, en colère, moqueuses, concentrées, sereines, violentes et puis discutant, lisant, faisant l’aumône, fouettant, tendant l’oreille jusqu’à se l’arracher: 500 statues toutes différentes, toute uniques, une vrai prouesse d’artiste.