La vieille rosse de Paraty-Mirim /par Christophe

Pour aller de la station balnéaire de Paraty à la plage de Paraty-Mirim, il faut prendre une piste de terre sur une dizaine de kilomètres. La piste longe une rivière marron épaisse; sur l’autre bord la forêt vierge, la Mata Atlantica, grimpe sur les versants de la montagne côtière. La piste est en très mauvais état trouée de nids de poule de partout. Lorsque l’on ne dispose pas de voiture, il faut prendre le bus de la ville qui fait le trajet plusieurs fois par semaine. Le bus est très souvent bondé : des habitants du coin reviennent de la ville chargés de provisions, de jeunes brésiliens en vacances rentrent dans les « poussadas » des environs qui les hébergent. Les paquets s’entassent dans un coin du bus, les gens s’entassent, et voilà le bus qui file à vive allure sur la piste plein à raquer. Tout craque d’ailleurs; tout saute à chaque trou, les sièges, les paquets, les barres, le tourniquet, toute la carcasse du bus tremble dans un vacarme métallique. Le bus se désarticule, se démantibule, se déglingue dans un fatras de cliquetis,  de grincements, de chuintements et fait voler ses passagers de gauche à droite,  de haut en bas, dans ses bonds de vieilles rosses fougueuse. Tout le monde se tient à tout le monde, et à tout, pour tenir ses ruades sauvages. Les voitures se rangent sur son passage. Dans un souffle furieux, elle ouvre ses portes enfin pour vous expulser à votre arrêt.