Brésil, Pantanal, une promenade dans un miroir. /par Christophe

Parfois l’émerveillement naît dans l’à-coté des choses. Il existe dans le Pantanal une activité touristique habituelle qui consiste à sortir la nuit sur l’eau et braquer un projecteur vers les yeux des caïmans qui scintillent alors rouges dans l’obscurité. C’est dans ce but que nous nous sommes embarqués ce soir là. Les yeux des crocodiles ne brillèrent pas cette nuit, mais c’est un spectacle encore plus troublant qui s’offrit à nous. La nuit était fraîche et limpide. On observait distinctement la Voie Lactée traverser le ciel. La barque dans la nuit, le moteur au ralenti, faisait doucement clapoter l’eau devant elle. Le silence enveloppait la forêt tropicale proche. Les étoiles scintillaient dans le lit noir de la rivière, et la carte du ciel se dessinait à la fois au-dessus et au-dessous de nous. Mais c’est le projecteur qui dévoila toute la magie du lieu. Se braquant sur la rive à la recherche d’animaux, il fit apparaître la forêt, et en-dessous d’elle, révélée comme par enchantement, le reflet plus limpide, plus précis de ce paysage. Le reflet s’enfonçait dans l’eau, plus fin que l’objet dont il était l’image. Le reflet prit alors la consistance du réel, d’un réel pus féerique par la minutie des détails, à l’exacte verticale de la réalité vague. Le tronc d’un arbre plongeait sous l’eau et déployait ses branches dans les profondeurs. La réalité du dessus de l’eau devenait l’image affadie du paysage splendide sous l’eau. L’inversion devenait totale, sous l’eau se dessinait le paysage de la forêt dans le ciel étoilé, le grain fin et la 3D d’un monde fantastique, que reflétait avec peine l’air dans le ciel au-dessus de nous. Nous nous promenions véritablement dans le reflet de ce miroir.