Le coucher de mouches /par Christophe

Australie, Outback, le 3 décembre 2014.

Petites et vives, elles s’agitent, virent, voltent, multitude, en tout sens : les mouches. Dans les forêts des Monts Bleus, au cœur du Fin Fond, sur les cadavres des wallabies, dans l’ombre du feuillage des eucalyptus, elles s’activent inlassablement, vous tournent autour, vous harcèlent, butinant aux coins de vos yeux, se désaltérant au coin de vos lèvres, voire plongeant dans le lobe de votre oreille. Egalitaires, pour elles, l’homme vaut la vache. Et l’on marche, horripilé, en bétail, sous leurs assauts incessants. Les mouches comme le temps deviennent un paramètre de mouvement, un continuum espace-temps-mouches dans lequel se décrit tout déplacement australien. A moins qu’elles ne s’organisent pour se répartir efficacement sur les différentes cibles. Une équipe de mouches par personne, dédiées à votre mal-être personnel. Les mouches sont là. Dans toutes l’Australie. A toute heure du jour. Insistantes, agaçantes, implacables même aux heures les plus chaudes, à la recherche du moindre suc de sueur, les mouches bourdonnent. Mais il existe un instant divin; lorsque le soleil, ayant disparu à l’horizon, les dernières lueurs orangées qui zèbrent l’ouest s’éteignent, alors que le dernier éclat s’évanouit, soudain, tout agitation cesse. Les mouches se sont volatilisées, happées par l’ultime lueur. Plus un seul vrombissement. Le paysage s’enfonce dans un calme paisible, et le voyageur s’émerveille devant la beauté de ce silence naturel qui s’installe, comme une brise sereine. C’est le coucher de mouche.