Venez donc prendre le thé / par Christophe

Russie, lac Baïkal, le 9 août 2015.

Quatrième et dernier jour de notre randonnée sur le bord du lac Baïkal, à la mi-journée. Nous avions fait une pause pour une dernière baignade dans les eaux bleues froides du lac, et après nous être séchés sur les galets chauds de la plage, nous nous apprêtions à déjeuner sur la rive. A cet endroit, proche du village de Bolshoye Goloustnoye, de nombreux Russes entre amis ou en famille campaient pour le week-end sur les bords du Baïkal. La journée ensoleillée invitait à se reposer sous l’ombre chaude et parfumée des pins, face au miroitement du lac, presque une mer vue de la côte. Je sortais à peine le réchaud du sac lorsqu’un Russe passant près de là nous interpella, énergique et jovial : « Venez donc prendre un thé, notre tente est toute proche ». Évidemment une telle invitation ne se refuse pas. Nous voilà donc ramassant notre paquetage, pour aller à leur tente voisine. Trois hommes y avaient installé leur base pour le week-end, deux amis Macha et Vassi, et le fils de Vassi Pacha. A peine étions nous arrivés que nous fîmes promptement installés autour de la petite table de camping, Macha s’activant vivement pour nous offrir du poulet, des tomates, des oignons, du saucisson, des concombres et du pain. En un clin d’œil tout fut sur la table, avec un bouteiile de vin rouge cabernet de Sotchi. Nous cassâmes donc la croûte, grignotant et bavardant, Nathalie en russe, Pacha parfois avec un peu d’anglais, et tout le monde avec des gestes pour se comprendre. Vassi adorait le lac Baîkal, le roi des lacs (coups de poing ur le cœur pour exprimer cet amour); il aimait se baigner dans ses eaux froides, il pouvait nager une heure durant et boire cette eau quand il avait soif (geste des mains qui portent l’eau à la bouche). Les discussions allaient bon train et la bouteille se vidait, en trinquant allègrement. Macha, costaud au grand cœur, remplissait les verres ; il héla un autre groupe de marcheurs à se joindre à nous. On passa à la vodka. Pacha, le fils, photographe, prenait quelques photos. Pour trinquer, Vassi, qui ne buvait pas car il devait conduire, trinquait avec son poing. La conversation prit un tour plus politique. Vassi partait bientôt pour Sebastopol, le « cœur » de la Russie, et il exprima avec force coups de poing sur la poitrine son amour et son attachement à la Crimée. Et Macha croisa les doigts des deux mains pour exprimer les liens forts historiques et familiaux (sa femme était Ukrainienne) qui liait la Russie à l’Ukraine, et combien la séparation (la main arrache le cœur) était un déchirement. Car enfin Russes, Ukrainiens et (mimant les yeux bridés) Bouriates et Mongols étaient tous (à nouveau les mains se lient) un même peuple. Une nouvelle bouteille avait été ouverte, et les verres se remplissaient de vin blanc. Ils insistèrent pour nous conduire en voiture jusqu’au village et l’on se quitta avec de grandes accolades. Vassi nous raccompagna dans sa Subaru toute neuve, chantonnant une chanson sur la Russie ; Nathalie suivit avec un petit couplet de Katioucha. Quant au thé, il avait été servi … aux enfants.